A l’idée, commode et médiatique, d’un public pré-défini et susceptible d’être visé comme une cible, il faut substituer l’idée, plus difficile mais plus juste, d’une rencontre au cours de laquelle oeuvre et public se constituent réciproquement. Cette rencontre n’est pas foncièrement spectaculaire. Elle ne se produit pas sans risque pour le travail artistique. Le fruit en est un certain inachèvement de l’art: on ne parvient jamais qu’à exposer des oeuvres dépourvues d’absolue finition. Mais de cette possibilité dépend l’ouverture ou l’espacement de l’existence, ouverture et espacement sans lesquels tout serait, pour nous, déjà décidé. Etre exposés à des oeuvres indécises ― incertaines et problématiques ― nous importe tout particulièrement : de l’indécision naissent la réflexion et le jugement.
Mais comment cela se fait-il ? Dans quels espaces l’indécision est-elle susceptible de se produire ? Quels sont les lieux et les moments d’une exposition artistique possible ? Est-ce dans l’atelier que se joue l’essentiel ? Est-ce plutôt dans ce que l’on nomme aujourd’hui une installation? Est-ce encore au musée, dans la constitution des collections ? Ou bien dans la rue, la ville, voire le paysage quotidien?